mercredi 31 janvier 2018

Délire du libéralisme : le trafic de drogue intégré dans le calcul du PIB



Que dire d'une civilisation qui en est réduit à de tels expédients afin d'améliorer les chiffres d'une économie en berne ?

***

A la demande d'Eurostat, plusieurs pays (Espagne, Royaume-Uni, Italie...) ont décidé d'intégrer de nouvelles normes de calcul du PIB. A chaque fois, cela s'est traduit par une révision à la hausse de leur produit intérieur brut. Même si elle a le souci d'aligner les statistiques de la France sur celles de ses voisins européens, l'Insee s'est refusé à intégrer la prostitution (de "réseaux"), estimant qu'il ne s'agissait probablement pas de "transactions commerciales consenties librement".
Le PIB est censé mesurer la croissance d'un pays, la quantité de richesses produites chaque année (et non pas son patrimoine, la richesse accumulée au cours des années précédentes). Et la réflexion autour des éléments à prendre en compte dans le calcul du PIB pour avoir l'image la plus juste ne date pas d'hier. Exemple, en 2013, les Etats-Unis avaient ouvert la voie d'un changement en décidant de prendre en compte un élément-clef de la croissance dans les économies occidentales : les nouvelles technologies, l'immatériel.

Mais fallait-il intégrer le trafic de drogue voire la prostitution dans ce calcul du PIB? Après plusieurs années de débat, l'Insee a tranché en décidant d'appliquer une demande en ce sens de l'Europe, qui pourrait entraîner une révision en "légère hausse" du produit intérieur brut français.

Objectif : aligner les statistiques françaises sur celles des autres
L'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) va "tenir compte de la consommation de stupéfiants et des activités liées à cette consommation sur le territoire national", a annoncé mardi l'organisme public, dans un communiqué consacré à une série de modifications comptables actées par l'institut.

Cette prise en compte, faite "à la demande" de l'institut européen des statistiques Eurostat et destinée à aligner les statistiques françaises sur celles "des autres pays européens", entraînera "une révision en très légère hausse du niveau du PIB", ajoute l'Insee dans son communiqué.

La révision portera sur l'ensemble des résultats, depuis 1947.
Interrogé par l'AFP, le chef du département des comptes nationaux de l'institut public, Ronan Mahieu, a assuré que ces nouvelles données seraient intégrées aux chiffres du PIB révisés et détaillés, qui seront publiés en mai. La révision portera "sur l'ensemble des résultats" publiés par l'Insee, c'est-à-dire depuis 1947.

"Il s'agira de révisions à la marge", a assuré M. Mahieu, en évoquant le chiffre de "quelques milliards" d'euros, à rapporter aux 2.200 milliards d'euros du PIB français. "Cela n'influera pas sur le chiffre de la croissance" en 2017, a-t-il par ailleurs prévenu.

Prostitution, des "transactions librement consenties" ? Non, dit l'Insee
La décision de l'Insee fait suite à un long débat lancé par Eurostat en 2013. L'institut statistique européen avait alors demandé aux États-membres d'intégrer le trafic de drogue et la prostitution dans leurs statistiques nationales, estimant qu'il s'agissait de transactions commerciales consenties librement.

L'objectif était d'harmoniser les données fournies par les pays européens, ces activités étant considérées comme légales dans certains États, à l'image des Pays-bas, ce qui gonfle leur PIB, et illégales dans d'autres.

Suite à la demande d'Eurostat, plusieurs pays ont décidé d'intégrer ces nouvelles normes, à l'image de l'Espagne, du Royaume-Uni et de l'Italie. Ce nouveau système de compte s'est à chaque fois traduit par une révision à la hausse de leur produit intérieur brut.

Jusqu'ici, l'Insee n'avait modifié que le RNB pas le PIB
L'Insee avait de son côté, à partir de septembre 2014, déjà accepté de prendre en compte les ressources issues du trafic de drogue dans le "revenu national brut" (RNB), destiné principalement à déterminer la contribution de la France au budget de l'Union européenne, mais pas dans le PIB, mesure comptable qui fait référence dans le débat public.

L'organisme public avait par ailleurs refusé de comptabiliser la prostitution relevant des réseaux, estimant que le consentement des prostituées n'était "probablement pas vérifié". "Sur ce point, nous maintenons notre position", a indiqué Ronan Mahieu.

Mais la prostitution dite "discrète" était, elle, déjà bien intégrée dans le PIB. Le directeur des études et synthèses économiques à l'Insee, Éric Dubois, avait souligné en juin 2014:

"Tout ce qui est de la prostitution discrète, c'est-à-dire de la prostitution qui se cache derrière d'autres activités, on considère qu'on le prend déjà en compte" de même que la fraude fiscale et le travail au noir, qui représentent "autour de 4 points de PIB".

Il précisait toutefois :

"Il y a aussi une prostitution de rue qui est plutôt le fait de réseaux de mafieux et relève plutôt de la traite de personnes en situation irrégulière etc. Pour le coup, le critère de consentement mutuel n'est probablement pas vérifié", ce qui conduit l'Insee à ne pas l'intégrer dans ses mesures.


https://www.latribune.fr/economie/france/le-trafic-de-drogue-mais-pas-la-prostitution-bientot-integre-dans-le-calcul-du-pib-francais-766723.html

Aucun commentaire:

Plus d'activité sur Twitter

 Si vous le souhaitez, vous pouvez désormais me suivre sur Twitter : https://twitter.com/SD_0101